Accueil Magazine La Presse Interview du Dr Wahid Koubaâ, psychiatre: «Le désir de plaire aux hommes et de les séduire»

Interview du Dr Wahid Koubaâ, psychiatre: «Le désir de plaire aux hommes et de les séduire»

Le qualificatif de «  femme fatale » semble inciter de plus en plus de femmes tunisiennes à s’adonner aux différentes solutions et techniques de mise en beauté et à dépenser des sommes variables rien que pour plaire. Interrogé sur la question d’un point de vue purement psychologique, le Dr Wahid Koubaâ, psychiatre, explique cette attitude et dissipe toute confusion entre une attitude normale et un comportement pathologique.

Pourquoi la femme tunisienne cherche-t-elle à mettre de plus en plus en valeur ses atouts féminins ? La quête de la perfection physique est-elle exhaustive ou tout à fait normale ?

« La quête de la perfection physique chez la femme constitue un phénomène mondial. Au Liban, par exemple, toute fille ayant soufflé sa 18e bougie se précipite vers le chirurgien esthétique pour se refaire le nez, augmenter le volume de ses lèvres ou apporter un changement qu’elle juge comme étant meilleur à son physique. Il est vrai que cette quête acharnée de la perfection physique est telle qu’elle semblerait quasiment pathologique. Mais, en réalité, elle n’émane que du désir de plaire aux hommes, de les séduire et de se distinguer par un physique qu’elle voudrait le plus irréprochable possible aux regards des hommes. Le contexte féminin n’exclut aucunement la notion de concurrence ».

Comment analysez-vous l’esprit de la concurrence féminine ?

« L’esprit de la concurrence féminine n’est pas foncièrement assumé consciemment. La femme peut être mue par l’esprit de la concurrence inconsciemment car naturellement. C’est que le rôle premier, voire primitif de la femme, consiste à séduire l’homme. Il s’agit d’un rôle physiologique qui anime tous les animaux. N’oublions aucunement que l’humain n’est autre qu’un animal qui raisonne ! La nature a fait en sorte que l’homme est attiré, en premier, par le physique de la femme, alors que la femme est séduite par la virilité de l’homme. Néanmoins, les atouts de séduction de l’homme ont changé. Nous parlons plus du meilleur, et le meilleur inclut le plus beau, le plus riche et le plus intelligent. Revenons donc à la capacité de la femme à séduire son alter ego, l’homme. Pour ce, elle est partante pour utiliser tout facteur susceptible de renforcer cette capacité naturelle, d’où les nouvelles tendances en matière de mise en beauté, etc.».

Ne trouvez-vous pas que cette concurrence est devenue plus féroce qu’avant ?

« C’est une rivalité que renforcent les modèles de la beauté féminine et qu’imposent les nouveaux critères de beauté, parfois un peu trop strictes, d’ailleurs. Prenons l’exemple des mannequins. La taille idéale d’un mannequin féminin était de 38. Elle a chuté d’une taille, contraignant ainsi les mannequins à succomber à l’anorexie mentale pour résister à la concurrence et préserver leurs places, quitte à risquer leurs santés, voire leurs vies. Ce sont, donc, les normes internationales qui influent sur les femmes et sur leur perception de la beauté. Néanmoins, les normes varient souvent en fonction des contextes socio-culturels. Jadis à Djerba, par exemple, une femme belle doit nécessairement être rondelette. Aussi, tenait-on à consommer des produits naturels à même de favoriser la prise de poids ».

Aujourd’hui, les critères de beauté exigent des rondeurs imposantes, n’est-ce pas ?

«Tout à fait ! Les normes de beauté propres au XIXe siècle sont de retour. Même sur le plan médical, l’indice de masse corporelle ( IMC) idéal est passé de 20/25 à 25/30, alors que ce dernier était considéré comme étant une preuve de surpoids. Un petit surpoids est devenu carrément salutaire, car il prévient contre certaines maladies et carences ».

Quand peut–on parler de quête obsessionnelle ou pathologique de la perfection physique ?

«Lorsque la perception de soi est déformée et que le regard appréciateur d’autrui ne parvient pas à nous convaincre. Une perception déformée de l’image corporelle pousse la femme à faire plus d’efforts en dépit d’un physique quasiment parfait. Certaines femmes se trouvent grosses, alors qu’elles font du 38 par exemple. D’autres deviennent accros à la chirurgie esthétique et se font opérer régulièrement sans qu’il y ait un motif réel nécessitant une intervention chirurgicale.  Dans des cas pareils, on parle de comportement pathologique ».

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